LA VILLE ROMAINE OUBLIÉE DE CADIMA- LOS GALLARDOS (ALMERIE)
Dans ce gisement on distingue deux grandes zones, une plaine et une colline où se trouvait la nécropole mais a peu à peu disparu suite au développement urbain. Dans ce qui reste, et selon la documentation disponible, on peut observer des structures de murs et de pavés, ainsi qu’une grande quantité de tegulae (des tuiles). Des sources avancent qu’on pouvait y trouver des scories abondantes de minerai, des roues de moulin, et même une grande pierre travaillée qui pouvait être le contrepoids d’une presse d’huile. Le matériel céramique est très abondant, on a identifié des fragments de céramique punique, Terra Sigillata, des lustres, des fragments d’amphores et de la céramique commune médiévale. On a aussi trouvé des objets en verre, des rivets et des poinçons en métal.
La première référence au gisement est épigraphique. J. Cuadrado Ruiz indique l’existence dans le Musée d’Almeria d’un bloc de pierre avec une inscription latine, trouvée dans l’endroit nommé les « pièces de Cadimar », sur laquelle on peut lire avec assurance cinq lignes avec les mots suivants :
VR CO EMIN ORVMIN XXV |
On ne connaît pas le nom de cette ville, Juan Grima remarque que le toponyme « Cadimar » provient de l’arabe « Gadima », qui signifie « antique ». Selon cet auteur, la route Herculéenne (qui allait de Carthagène à Villaricos) passait par Cadimar dans la direction d’Urci et Abdera. La présence de constructions (murs de pierre de taille, des briques et de la maçonnerie), ainsi qu’une succession de pavés, tout cela indiquent la présence de, au moins, deux phases d’une grande installation de type « ville ». Il y a aussi une autre référence qui parle d’une installation ibère-romaine, par la présence d’une grande quantité de monnaies ibère-romaines. Par conséquent, on note une occupation ininterrompue dès le IIe siècle ap. J.-C. jusqu’à l’arrivée des musulmans au VIIIe siècle ap. J.-C. Les monnaies ibère-romaines trouvées appartiendraient aux fabriques de monnaies de Gadir (Cadix), Carmona, Aipora (Sanlucar de la Barrameda), Caura (Coria del Rio), etc.
Fouille archéologique d’urgence par les œuvres de l’AVE (Manu Gallardo).
Grâce aux travaux de l’AVE on a pu faire une fouille archéologique d’urgence. Cette excavation d’urgence d’environ 2.000 mètres carrés a mis en évidence les dimensions et l’importance de Cadimar, unique dans tout le Levant d’Almeria. Selon la presse locale, des monnaies, des céramiques, des mosaïques et un moulin à l’huileont été trouvées. Sans doute s’agissait d’une grande ville identique à les autres de l’aire méditerranéenne. On a organisé une conférence à Turre pour montrer au public les résultats de cette fouille, qui a été réalisée par les préposés de l’excavation : Oscar Lopez Jimenez, Francisco Llido Lopez et Victoria Martinez Calvo. Les excavations montraient trois étapes bien définies: l’une ibérique tardive, une romaine et l’autre califale.
Fouille archéologique d’urgence par les oeuvres de l’AVE (Manu Gallardo).
Selon l’information donnée à la presse, on parle d’une ville romaine datée entre le Ier siècle ap. J.-C. et le IVe ap. J.-C. Entre les découvertes on parle d’une maison seigneuriale d’époque impériale avec une grande cour centrale pourvue de colonnes, à parti de laquelle les chambres étaient distribuées. Dans une des salles on a trouvé une mosaïque avec des motifs géométriques et végétaux. On décrit aussi une « alcaría » ou une zone industrielle, où on élaborait de l’huile et du vin. Dans cette excavation d’urgence on a récupéré autour de 300 pièces exposées au Musée d’Almeria afin de pouvoir être conservés et même exhibés. L’intention était de pouvoir exposer les découvertes archéologiques près de l’endroit de leur découverte. Mais depuis leur découverte en 2013; ces vestiges ne sont toujours pas accessibles au public.
Cadima. Opus spigatum.
Ce gisement s’éboule peu à peu dans la rivière Aguas par effet de l’érosion naturelle. Dans les photographies nous pouvons voir une coupure verticale produite par cet effondrement. En observant des restes de murs et de pavés, et même des « opus spicatum ». Dans ce gisement on a trouvé aussi des monnaies dans les décombres. Nous pouvons présenter une petite quantité de ces monnaies que nous avons pu étudier et qui appartiennent à la période comprise entre le IIIe et le IVe siècles ap. J.-C.
Après la mort de l’empereur Septime Sévère en 235 ap. J.-C. s’est initiée une période de troubles. L’Empire a eu à combattre des menaces externes et internes, dans un contexte de crise économique grave. Dans cette étape, connue comme « Anarchie Militaire », et jusqu’à l’avancement de Dioclétien l’année 284, ont occupé le trône un total de vingt-six empereurs, qui étaient proclamés aussi rapidement qu’ils étaient déposés par l’armée.
Cadima. Pierre travaillé.
Cadima. Fragment de “tegulae” romaine.
Mise à part une monnaie de Caracalla et une autre de Herennia Etruscilla, le gros de notre série de Cadimar commence avec Gallien, qui a gouverné seul entre les années 260 et 268 ap. J.-C. Nous sommes engagés dans la crise du IIIe siècle. Un Empire sur la défensive, connaissant une grande instabilité politique et une crise économique, conditionnée par la diminution de l’apport d´esclaves et des produits que l’expansion romaine fournissait d’habitude. Cette crise a permis la création des Empires de Palmira et de l’Empire Gaulois, l’année 260 ap. J.-C. Ces derniers sont restés indépendants de Rome; respectivement jusqu’en 272 et 274 ap. J.-C.
Cadima. 216 ap. J.-C. Denier de l’empereur Marcus Aurelius Severus Antoninus Augustus (Caracalla)
Cadima. 249-251 ap. J.-C. Antoninien de Herennia Etruscilla (femme de Trajan Dèce). Frappée à Rome.
L’inflation était énorme, puisque les frais pour maintenir l’armée et l’administration de l’Empire étaient élévés, la monnaie romaine a donc été dévaluée pour pouvoir assumer les énormes dépenses. Le denier en argent, la monnaie romaine par antonomase, a maintenu sa valeur jusqu’aux 64 ap. J.-C., mais à partir de là il a commencé à perdre du poids en argent. Finalement, l’empereur Caracalla (211-217 ap. J.-C.) a introduit le « antoninien » (à la suite du nom de l’empereur, Marcus Aurelius Antoninus, Caracalla était son pseudonyme), dont la valeur était fixée à deux deniers en argent. La pauvre quantité en argent qu’il contenait a provoqué une nouvelle dévaluation.
Cadima. 275 ap. J.-C. Antoninien de l’empereur Gallien.
Avec Gordien III (238-244 ap. J.-C.) la nouvelle monnaie a complètement substitué le denier ancien en argent et, finalement, on a fini par frapper la monnaie en bronze. Cette dévaluation de la monnaie a aggravé encore plus l’inflation, de façon que les impôts ont commencé à se payer en nature. Cette situation a perduré jusqu’à ce que Dioclétien suspend l’usage du denier et le remplace par le « argenteus », en restructurant l’économie et la politique monétaire.
Cadima. 268 ap. J.-C. Antoninien de Claude le Gothique.
Cadima. 269 ap. J.-C. Antoninien de Claude le Gothique. Frappée à Rome.
Dans cette période d’« Anarchie Militaire » Marcus Aurelius Claudius, général de cavalerie, a dirigé les forces de l’Empire à la frontière d’Illyrie pendant les règnes des empereurs Dèce, Valérien et Gallien. Il a fait une brillante carrière militaire jusqu’en 268 ap. J.-C., date laquelle une conspiration a mis fin au règne de Gallien. Claude a été nommé comme empereur et a commencé une étape qui sera connue comme celle des empereurs illyriens, qui ont fini par sauver l’Empire d’une manière presque miraculeuse.
Claude a essayé d’unifier à nouveau tous les territoires, notamment l’Empire Gaulois et celui de Palmira, mais il a dû d’aller défendre les frontières, assiégées par les tribus barbares. La situation était critique surtout aux Balkans, avec l’invasion des Scythes et les Goths, qui causaient d’énormes ravages. Claude a réussi à les battre à Naissus (vallée de Moravia), par cela il a gagné le titre de « Gothique », mais ses campagnes victorieuses ont été stoppées par sa mort en mars 270 ap. J.-C.
Des imitations barbares de Cadima d’antoniniens posthumes de Claude avec différentes qualités.
Dans ce contexte si instable il n’est pas rare de voir surgir des fabriques de monnaie officieuses qui ont frappé des imitations d’antoniniens. Ces monnaies d’imitation ont circulé avec une normalité totale, plusieurs d’elles étaient des bonnes copies de monnaies officielles. Peu à peu, des imitations de piètres qualitéssont apparues, avec un poids et une taille clairement inférieurs. Quand finalement l’Empereur Aurélien (270-275 ap. J.-C.) a réunifié l’Empire, il a interdit la frappe et circulation de ces monnaies, mais malgré l’interdiction elles ont continué à circuler. Claude II a été très aimé en Hispanie, et ces frappes barbares sont une découverte fréquente dans la péninsule Ibérique. Ce type de monnaies a été frappé jusqu’à le fin du IIIe siècle, dans des fabriques indéterminées et, selon quelques auteurs, on a continué de battre cette monnaie en Hispanie jusqu’au commencement de la domination des Wisigoths.
Cadima. Crochet de rennes de cheval.
Ces monnaies d’imitation sont aussi connues comme des « imitations barbares ». Dans notre série de Cadimar nous trouvons une monnaie de Gallien et trois monnaies officielles de Claude II (bien que parfois il soit difficile de différencier les imitations de meilleure qualité des monnaies officielles). La mort de Claude II et le désapprovisionnement croissant de monnaie officielle a fait augmenter la circulation de ces imitations. En fait, ces émissions d’imitations été très courantes dans la frange côtière méditerranéenne, un symptôme clair que l’activité monétaire n’a pas cessé dans cette zone malgré la diminution progressive de la masse monétaire officielle.
Il s’agit d’un des phénomènes monétaires le plus énigmatique de l’époque impériale. On ignore pourquoi on a choisi de copier ces monnaies posthumes de « consécration ». Constantin I le Grand a tenté de légitimer son usurpation du trône en s’autoproclamant descendant de Claude le Goth, et il a même émis des monnaies divinisant son prétendu ancêtre.
Dans la série de Cadima, de Claude jusqu’à Constantin le Grand, il n’y a qu’un exemplaire datant de l’Empereur Tacite, un de Probus et un autre de Dioclétien. Aurélien a réussi à rétablir l’unité territoriale de l’Empire et a initié les réformes nécessaires pour dépasser cette crise. Des mesures que Dioclétien et Constantin le Grand ont continuées, en assurant de cette manière la survie de l’Empire pour encore deux siècles. Dioclétien s’est rendu compte qu’un seul empereur n’était pas suffisant pour s’occuper de l’Empire, il a donc mis en place la « tétrarchie ». Ce système prévoyait le partage et le contrôle de l’administration de l’Empire entre deux Augustes assistés de deux césars.

Dans la série de Cadima nous avons aussi trouvé six monnaies de Constantin le Grand dont une posthume (sûrement une imitation), et deux de son fils Crispus. Constantin a maintenu les réformes de Dioclétien, mais pendant son règne il y a eu deux faits fondamentaux. En 313 ap. J.-C. il a autorisé la liberté de culte(le moment dans lequel le christianisme a commencé le chemin qui finirait par être la religion officielle de Rome.)En 324ap. J.-C. a fondé Constantinople, qu’il a désigné comme capitale impériale, en reléguant Rome à être une ville secondaire.
Cadima. 320-324 ap. J.-C. Follis de Crispus.
Flavius IuliusCrispus, fils de Constantin et de son épouse Minervina s’est fait remarquer depuis son enfance par sa valeur militaire. Il a été nommé César d’Occident en 317 ap. J.-C. Mais en 326 l’Empereur Constantin l’a fait exécuter suite à une relation supposée avec sa belle-mère, qui s’est révélée être fausse. Crispus a subi la « damnatio memoriae », il a été exécuté, mais on a aussi éliminé tout celui ce qui rappelait le condamné.
Cadima. 351-355 ap. J.-C. Centenionalis de l’empereur Constance II, frappé à Alexandrie.
Cadima. 333-335 ap. J.-C. Demi-centenionalis de l’empereur Constance II, frappé à Arelate.
Dans cette série nous trouvons avec onze monnaies de Constance II, quatre de son frère Constant et une autre de son autre frère Constantin II. Après la mort de Constantin le Grand, l’Empire a été réparti entre ses trois fils. Constance a régné sur Constantinople et tout l’orient, alors que Constant faisait de même sur l’Italie, l’Afrique et les provinces illyriennes. Constantin II a régné sur l’Occident, mais quand il est mort, toute cette partie occidentale est restée sous contrôle de Constant, jusqu’à sa mort par les troupes de l’usurpateur Magnence. Constance II a fini par battre Magnence en 351 ap. J.-C. et en 353 ap. J.-C. il est devenu l’unique souverain. Constance a entrepris la persécution des païens, en ordonnant la destruction de tous les temples païens dans un édit en 354 ap. J.-C. Constance est mort d’une fièvre à Tarsus en 361 ap. J.-C, alors qu’il allait combattre Julien, qui s’était déclaré Auguste après un soulèvement armé.
Cadima. Fragment de céramique sigillata romaine avec décoration en “gouttes”.
Cadima. Fragments de céramique sigillata romaine
Cadima. 383-392 ap. J.-C. Demi-centenionalis, Valentinien II.
Le dernier empereur représenté dans cette série est Valentinien II, soit environ vingt années après Constance II. Valentinien I est arrivé au trône après Julien l’Apostat et Jovien. Valentinien II, son fils, a été déclaré empereur à 4 ans par les légions, mais c’est son frère Gratien aui exerçait le pouvoir. Gratien a été battu par le général Marius Maximus, proclamé empereur par ses légions, qui ont ensuite proclamé Flavius Theodosius (Théodose Ier le Grand). Théodose divisa l’Empire entre ses deux fils, cette division sera la dernière.
Cadima. Pointe de flèche d’époque médiévale.
Cadima. Embout d’étui médiévale
Notre série de monnaies comprend également des exemplaires hispano-arabes. En effet les arabes se sont installés au même lieu qu’occupait la ville romaine connue actuellement comme Cadima. Ces monnaies datent d’une période comprise entre le fin du Xe siècle et la première moitié du XIe siècle. Il s’agit de monnaies très fragmentées et usées, des monnaies qui ont circulé beaucoup, sûrement perdues durant des échanges commerciaux. Deux sont des fragments d’époque du Califat, une appartient à la taïfa d’Almeria annexée à celle de Valence, et quatre fragments de dirhams et ses diviseurs de la taïfa d’Almeria indépendante.
Cadima. Années 1038-1039. Abd Al-Aziz. Taïfa d’Almeria annexée au royaume de Valence. On fait référence à Al-Nasir.
Il faut remarquerspécialement le diviseur de dirham d’Abd el-Aziz, puisque on peut lire clairement « Al-Nasir » (Le Protecteur). L’année 1031 le roi de la taïfa de Valence, Abd Al-Aziz, a nommé gouverneur d’Almeria son fils Abd Allah, qui a reçu le titre de « Al-Nassir ». Cependant, Abd Allah est mort si vite qu’il n’a pu laisser aucune trace de son règne. Peu après, en 1042, le beau-frère d’Abd Al-Aziz, Man ben Sumadih, a emancipé la taïfa d’Almeria, en inaugurant la dynastie des Banu Sumadih. Cette monnaie au nom d’Al-Nasir est d’un intérêt spécial, surtout en sachant qu’elle a été trouvée à Cadima.
Cadima. Années 1041-1051. Man ben Muhammad ben Sumadih. Taïfa d’Almeria.
Cadima. Années 1041-1051. Man ben Muhammad ben Sumadih. Taïfa d’Almeria.
Dans notre série on trouve précisément des fragments de l’époque de Man Ben Sumadih, des petits fragments qui indiquent un usage intense. Dans ces monnaies l’important était le poids en argent et on les coupait pour atteindre le poids nécessaire pour les transactions.
Cadima. Années 1041-1051. Man ben Muhammad ben Sumadih. Taïfa d’Almeria.